UNE PERIODE DIFFICILE SURMONTEE GRACE A LA SOLIDARITE

Tout comme en France, la quarantaine a été décrétée aux Philippines à la mi-mars. Plus de 60 millions de personnes vivent à Luzon, la plus grande île de l’archipel où se situe Manille, la capitale. Pendant trois mois, un couvre-feu y a été mis en place entre 20h et 5h du matin, et tous les accès à la métropole ont été contrôlés par l’armée. Comme le dit Sœur Sophie, la fondatrice d’ACAY, « A l’absence des moteurs de scooters, s’est joint le silence des travailleurs, et curieusement aussi des télévisions, des karaokés et des radios. Manille est dans un silence surprenant ». A l’heure où nous écrivons ces lignes, les habitants de certains quartiers sont toujours confinés afin d’éviter une propagation du COVID-19.

Aux Philippines, la crise sanitaire a fortement impacté la population : impossible d’aller travailler, ou encore d’aller acheter des provisions. Absence de travail signifie absence de revenus. Les plus pauvres sont les plus touchés par cette situation dramatique. Et aucune allocation chômage aux Philippines ne vient soulager ses habitants. Arlene, femme de Raymart, tous deux anciens jeunes des programmes ACAY nous a confié : « Mon mari ne peut plus aller travailler à cause de la mise en place du confinement. Une seule option : rester chez nous ce qui signifie que nous allons vivre sur nos économies ».

Une grande partie de la population n’a donc plus de revenus pour, tout simplement, acheter de la nourriture. Le gouvernement a essayé de pourvoir aux besoins, le département des affaires sociales aussi, mais les inégalités ont été présentes. Annabell, ancienne jeune fille de l’École de Vie nous a témoigné : « En ces temps de crise, nous faisions partie des plus touchés. C’est une double peine, pour les familles comme la nôtre : vivre avec la peur du virus et entendre le son de nos estomacs vides ».

De plus, les gens sont entassés dans les bidonvilles. Si peu d’espace pour se déplacer. Les familles pauvres de la capitale se retrouvent enfermées dans des habitations de 4m² où la situation est intenable, en plus de la chaleur. Le gouvernement local des quartiers de Manille a autorisé trois sorties par semaine, uniquement pour sortir des bidonvilles et pour une personne par famille afin de pouvoir acheter des produits alimentaires et de première nécessité. « Pendant les premiers jours, tout allait bien, mais plus le temps passe, plus la situation s’aggrave. Nous commençons à manquer de nourriture et d’autres produits de nécessité » raconte Jessica, ancienne jeune fille de l’École de Vie.

Les équipes d’ACAY mobilisées pour faire face à la situation

Alors que toute la région de Manille s’est arrêtée à cause du virus, les salariés d’ACAY ont maintenu leurs activités auprès des jeunes et se sont adaptés : Certains ont travaillé de chez eux, quand d’autres sont restés auprès des vingt jeunes filles de l’École de Vie afin d’assurer une présence. Personne n’a été autorisé à rentrer ni à sortir de l’École, excepté deux personnes désignées pour aller faire des courses.

Sœur Sophie a choisi de se confiner avec les jeunes filles. Les autres sœurs, sauf Sœur Rachel qui n’a pas pu revenir de Nouvelle-Zélande, ont obtenu des permis pour les rejoindre et être présentes tous les jours à l’École de Vie : pallier les changements et les absences, garder le moral des jeunes, éviter une atmosphère anxiogène… Telles ont été les principales préoccupations des équipes d’ACAY.

Le confinement s’est déroulé pendant les grandes vacances scolaires de l’été, les professeurs ont donc suspendu leurs cours en ligne. En plus des formations d’ACAY, les jeunes filles se sont consacrées à des activités diverses : jardinage, artisanat, grand ménage de printemps, cuisine, tri de vêtements. Elles ont aussi cousu des masques pour les hôpitaux voisins. Non seulement elles ont pu être créatives et apprendre à coudre, elles ont aussi mis en pratique une des valeurs phares de notre association : être au service des autres. « Par ce petit geste, je suis heureuse d’aider en ces temps difficiles » nous a dit Genevive.

Dans le suivi à distance des jeunes en prison de notre programme Seconde Chance, les équipes sont restées en contact avec eux par courrier, par téléphone ou par le biais des réseaux sociaux.

En France, notre équipe a fait du télétravail et a continué l’accompagnement des jeunes à distance. Les interventions en détention ont bien évidemment été suspendues, tout comme les parloirs des familles. Certains jeunes accompagnés par ACAY à l’Établissement Pénitentiaire pour Mineurs de Marseille ont été libérés. Pour les autres, cette période a été un moment difficile. Les mineurs ont pu se sentir isolés, ainsi que leurs familles, inquiètes de ne pas pouvoir visiter leurs enfants. Afin de ne pas rompre les liens, nous avons transmis régulièrement des courriers aux jeunes que nous accompagnons dans les différents établissements pénitentiaires de la Région Sud pour qu’il y ait une continuité dans le suivi. Le contact a aussi été maintenu avec les familles.

Tous unis pour les jeunes et les familles d’ACAY

En France, aux Philippines et dans le monde entier, plus de 60 personnes ont pris part au challenge, entre le vendredi 1er et le dimanche 3 mai.

Le confinement nous a permis d’être plus solidaires les uns vers les autres. Les équipes d’ACAY se sont mobilisées en lançant un challenge à tous les membres de la galaxie ACAY : La course ou marche solidaire (et confinée !). L’objectif était de courir ou de marcher, chez soi ou à l’extérieur dans le cadre de l’heure de sortie autorisée, et de réaliser un maximum de kilomètres afin de récolter des fonds. Une vidéo de lancement a été réalisée, grâce à la participation d’anciens volontaires, et des membres des équipes d’ACAY aux Philippines et en France. Une occasion pour tous de donner du sens à ce confinement.

Le soutien a donc porté ses fruits : 24h après la fin du challenge, une partie des fonds récoltés a été reversée à des jeunes et leurs familles. La réactivité est la force des petites ONG telles que la nôtre. Plus de 192 personnes ont pu bénéficier d’une aide qui s’est faite sous deux formes : paniers alimentaires ou aide financière. Après avoir reçu le transfert d’argent, Jessica a remercié ACAY mais aussi tous les donateurs :

« Nous avons reçu une aide financière afin d’acheter de la nourriture, du lait et des couches pour ma fille. J’ai eu à nouveau le sourire, et nous avons pu enfin manger trois fois par jour. Encore un grand merci à ACAY et à toutes les personnes qui ont pensé à nous ».

Les fonds récoltés ont également permis de couvrir les frais de nourriture de l’École de Vie pour une durée de trois mois. La priorité a été l’achat de produits frais.

A Marseille, les jeunes en détention, solidaires pour les jeunes philippins dans le besoin

L’équipe d’ACAY France a repris début juin ses interventions au sein de l’Établissement Pénitentiaire pour Mineurs à Marseille. Les jeunes ont été sensibilisés à la situation difficile du confinement aux Philippines. Ils ont pu verbaliser leurs expériences vécues et identifier les ressources qu’ils ont mobilisées pendant cette période. En détention, certains ont pris part à notre challenge solidaire, qui consiste à effectuer des tours de gymnase sur les créneaux de sport (15 tours équivalent à 1 panier alimentaire pour une famille dans le besoin aux Philippines).

Le confinement n’aura pas arrêté l’élan de solidarité entre les équipes, les partenaires, les donateurs et les jeunes d’ACAY. Que nous puissions garder cette créativité au service de la mission !

« J’apprécie beaucoup le temps passé pendant le confinement, même si c’est une période difficile.
Je suis à la maison de l’École de Vie et je m’y sens en sécurité. Certains membres de l’équipe d’ACAY ont choisi de rester avec nous pendant le confinement. Ils ont décidé de nous faire plusieurs sessions de formations.
Ces différentes formations m’ont permis de mieux me comprendre, et surtout d’améliorer mon
comportement et ma façon d’appréhender les choses.»

Alexandra, Jeune fille de l’École de Vie