« Mes premiers pas en détention »

Depuis les débuts de la mission, ACAY a toujours reçu le soutien de volontaires afin d’aider à relever la jeunesse en difficulté. Après deux ans d’interruption à cause de la pandémie, le retour de quatre volontaires permet d’apporter un réel soutien aux équipes en France et aux Philippines. A Marseille, Baptiste, étudiant en école de commerce, nous raconte ses premiers pas en détention.

« L’Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs (EPM) de Marseille est un endroit bien particulier. Un lieu où se concentre une jeunesse ayant commis des actes de délinquance. Ce climat changeant peut presque paraître familial tant le personnel et les intervenants qui se croisent se connaissent et interagissent ; et tant on y retrouve parfois un vrai climat de violence, une atmosphère pesante, notamment dans les relations qu’entretiennent les jeunes entre eux.

« J’ai rapidement pu comprendre la place unique qu’occupait ACAY au sein de ce petit écosystème bien à part. »
Baptiste Hochart
volontaire en service civique à Marseille

Nous sommes toujours très bien accueillis, notamment par Sonia Mahdid (Educatrice Référente de l’EPM – Coordinatrice vie extérieure de l’EPM), ou par le personnel de l’EPM. Une place unique également aux yeux des jeunes qui nous voient différemment des autres intervenants. Nous sommes régulièrement accueillis dans l’enceinte, dans « l’arène », cette cour au centre de toutes les unités, par des cris où l’on entend retentir ACAY, Hubert, ou mon prénom petit à petit. Beaucoup nous interpellent régulièrement aux barreaux. Cette place unique se traduit également dans les relations que nous entretenons avec ces jeunes, dans les échanges que nous pouvons avoir avec eux : ils peuvent se livrer, s’ouvrir…

Bien sûr, ce n’est pas le cas de tous les jeunes. J’ai vite compris que la confiance était une notion compliquée pour eux, faire confiance à l’autre, inspirer confiance… Je pense que c’est là la première étape de nos échanges avec ces jeunes, il faut qu’ils se sentent en confiance. J’ai eu la chance d’arriver au moment « opportun ». Ma première semaine à l’EPM a eu lieu au même moment que les vacances scolaires des jeunes. Une semaine où ils n’ont pas classe comme d’habitude et où nous pouvons donc intervenir tous les jours. L’atelier « Seconde Chance Philippines » que nous avons mis en place tout au long de cette semaine nous permet de passer dans chaque unité de vie (6 au total) et de rencontrer un maximum de jeunes (30). Nous les sensibilisons à la vie aux Philippines, notamment dans les bidonvilles et aux conditions de détention là-bas. L’objectif ? Les décentrer d’eux-mêmes, les marquer grâce à des parcours de vie inspirants de jeunes philippins qui s’en sont sortis, leur mettre sous les yeux quelques clés de réussite, comme une sorte d’introduction d’ACAY aux nouveaux jeunes. Un exercice pas simple à mener car en groupe, il faut capter leur attention.

Et il suffit parfois d’un petit semeur de trouble pour les perdre et se retrouver avec un échange altéré par de petites provocations régulières entre eux. Mais c’est aussi cela qui a fait la richesse de ma semaine. J’ai appris à m’adapter à tout type de groupe : certains durs à gérer, d’autres plus ouverts, ou encore plus à l’écoute ; en outre, une semaine très formatrice, qui m’a permis de prendre mes repères.

Vient ensuite le temps des entretiens individuels. C’est là que ma première semaine prend du sens. J’ai pu apprécier ces moments d’échanges privilégiés entre le jeune et nous, en face-à-face. Pour l’instant, Hubert m’aiguille et j’apprends tous les jours de son expérience : comment amener le jeune à changer son regard sur lui-même, à se valoriser tout en abordant ses difficultés…

D’autant plus que ma place, mon positionnement vis-à-vis des jeunes est différent que celui que peuvent avoir Laurent ou Hubert. En effet, du haut de mes 21 ans, je suis bien plus proche en âge de ces jeunes. Il faut donc aussi que je trouve ma place vis-à-vis d’eux ; beaucoup pensent que j’ai leur âge. C’est là où je sens que je peux avoir une carte à jouer : je peux essayer de comprendre leur ressenti, leur parler d’un autre point de vue, comprendre leurs références, avoir des centres d’intérêts communs. A moi d’affiner mon positionnement au fil des semaines pour pouvoir ensuite faire passer mon message, celui d’ACAY, de la meilleure manière possible. Je suis donc très heureux, très fier, de faire partie de la belle mission d’ACAY, d’avoir l’occasion d’essayer d’apporter ma pierre à l’édifice, j’y trouve beaucoup de raisons d’espérer. Le temps passe trop vite ici… »

Baptiste Hochart, volontaire en service civique à Marseille