Découvrez l’incroyable histoire de Faisal, jeune philippin diplômé du programme Seconde Chance d’ACAY, venu donner son témoignage en France auprès de jeunes en difficulté.
Je viens d’une famille pauvre de confession musulmane des provinces du sud (Mindanao) meurtrie par les conflits armés. Notre famille devait à certains moments déménager en vitesse pour ne pas être prise entre les coups de feu et les attaques. Cette situation, doublée de la pauvreté m’a conduit à arrêter l’école très tôt. A quinze ans, je n’avais pas fini mon école primaire. Ma sœur s’est approchée de moi et m’a dit « si tu veux t’en sortir, viens avec moi à Manille, je te donnerai du travail ». Je suis donc parti avec elle dans la capitale.
Une fois arrivé, je suis tombé en plein désarroi en voyant que le « travail » que ma sœur avait décidé de me confier était le business de la drogue. Ne connaissant personne à Manille, je n’avais nulle part où me tourner. Mineur sans diplôme, aucune possibilité de trouver un travail. Je suis donc entré dans la vente de drogue. Et en finale, j’en prenais moi aussi. Au début ce fut sympa car je gagnais beaucoup d’argent et vite. Je me suis fait des amis dans la bande. Puis ma vie a basculé dans la délinquance.
Jusqu’au jour où la police m’a arrêté. Les policiers m’ont sommé de dénoncer son « boss » mais comment pouvais-je dire quoi que ce soit quand mon propre « boss » est ma propre sœur? Malgré tout, je l’aimais. J’ai choisi de ne rien dire. Ils m’ont bandé les yeux et m’ont frappé sur tout le corps. Puis pour se venger, voyant qu’ils n’obtiendraient aucun renseignement, ils ont écrit sur les documents que j’avais 22 ans alors que je n’en avais que 16. J’ai donc passé huit mois en prison et là ce fut un cauchemar. Je n’avais plus d’espoir. J’ai vu comment les gens peuvent se traiter. Etant le plus jeune, j’étais forcé de laver tous les linges, d’assumer la corvée des toilettes, de faire des massages. A chaque erreur, une punition m’était infligée.
Cela duré huit mois. Une de mes grandes sœurs a recherché mon certificat de naissance pour prouver au juge que j’étais mineur. A partir de là j’ai été envoyé dans une prison pour mineurs. Je me retrouvais seulement avec des jeunes mais étant encore enfermé je ne pouvais me réjouir. J’ai cependant pris la décision de ne pas gâcher cette opportunité. J’ai pu y finir mon école primaire et apprendre de l’artisanat. Il y a un moment que je n’oublierai jamais, ce fut le moment où l’on annonça le décès de mon papa. Là je suis rentré dans la colère. Je n’obéissais plus aux personnels de la prison, je frappais les jeunes autour de moi et suis devenu insupportable pour tous. C’est là, au cœur de cette tristesse, que j’ai découvert ACAY. Ils donnaient des formations comme des cours d’anglais, du sport ou diverses formations. Au début je restais distant car n’étant pas de la même religion je pensais que je ne pourrai me joindre à leur groupe. Mais Laurent (aujourd’hui directeur de la mission ACAY France) s’est approché de moi et m’a dit « si tu veux te joindre à nos formations, viens tu verras tu apprendras beaucoup de choses ».
Je me suis joins aux diverses formations ACAY puis un jour j’ai eu la permission d’aller à Balanga pendant dix-sept jours pour vivre la formation Changement de Cap. Là, j’ai appris à m’ouvrir, même à pleurer, à gérer ma colère, à respecter les autres et à me mettre à leur service. A mon retour dans la prison, j’ai touché du doigt tout ce qui avait changé en moi: si autrefois je frappais les autres, à ce moment-là je pouvais reconnaitre mes erreurs, gérer mes émotions. Je suis resté trois ans dans ce centre.
A ma sortie je me disais « enfin maintenant je vais être heureux! ». Je suis rentré chez moi dans le sud après avoir gagné un peu d’argent et m’être rapproché du programme de réinsertion d’ACAY. La joie immense de retrouver toute ma famille s’est transformée très vite en tristesse en voyant la violence régner partout. Ma famille elle-même avait plongé dans les conflits avec le gouvernement et des tribus avoisinantes. Après 28 jours je suis reparti à Manille en me disant « cette fois-ci c’est toi qui prends ta vie en main ».
Je dormais chez un ami de mon frère et je me suis rendu compte qu’il était lui aussi dans la drogue. Je travaillais comme agent de sécurité mais sans Licence. Quand ACAY a su cela, ils m’ont pris entre quatre yeux et m’ont dit « si tu restes dans ce milieu tu ne t’en sortiras pas, tu vas retomber ». Alors j’ai décidé de changer de vie et de repartir dans les études. Installé à Balanga, j’étudiais le matin et travaillais dans un restaurant tout l’après-midi jusqu’au soir pour subvenir à mes besoins financiers. J’ai dû passer mon examen de High School (niveau bac) à deux reprises mais j’avais pris la résolution de me battre avec moi-même et de ne pas laisser tomber.
Aujourd’hui, diplômé de High School et indépendant, j’ai moins d’argent mais en paix avec moi-même. ma vie a été dure, douloureuse, souvent triste mais aujourd’hui en voyant ce chemin parcouru je suis rempli d’espérance et en paix avec moi-même. Un message restera gravé en mon cœur à jamais: notre vie ne s’arrête pas à nos erreurs. Nous pouvons toujours nous relever et recommencer si nous nous faisons confiance à nous-mêmes et faisons confiance à ceux qui nous entourent.
Faisal