Les enfants des rues… phénomène si fréquent aux Philippines. Les chiffres frôlent les dizaines de milliers à Manille. Avec la pandémie, ACAY a été invitée à élargir « l’espace de sa tente » en cocréant un nouveau programme en partenariat avec la mairie de quartier appelée Barangay.
Errer, mendier à tout vents, voler de nuit des fruits sur les arbres du voisinage pour les revendre, se droguer, vivre et gérer la violence entre gangs… Telles sont les réalités des enfants des rues auxquelles les autorités font face quotidiennement. Comment enrayer ce « va et vient » incessant de ces jeunes en situation de délinquance dans les bureaux du commissariat et du barangay ? C’est ce défi qu’ACAY a relevé cette année pour l’un de ces gangs d’enfants appelé « Star Margarine ». Confrontés à la pauvreté, à des familles en souffrance, au décrochage scolaire, ces jeunes se lancent à un très jeune âge dans la délinquance.
Une nouvelle priorité s’est présentée aux yeux de nos équipes du programme Seconde Chance : développer la dynamique de prévention pour éviter à tout prix l’escalade de la délinquance avec en final, la détention de ces jeunes. Nous nous sommes donc engagés auprès de Mark, Jhun, Beverley et de tous les autres. La première rencontre n’était rien d’autre qu’un test. Un groupe d’une douzaine de jeunes, avec des tee-shirts plus longs que leurs petits corps, tatoués sur les bras, cou ou visage, est arrivé. Leurs regards d’enfants derrière ces apparences colorées laissaient transparaître une certaine lassitude mais cependant une immense attente. Nous les avons laissés parler de leurs rêves et projets créant ainsi un lien de qualité et de confiance avec eux.
Le plus important pour nous en les écoutant : toucher leurs cœurs en leur faisant sentir qu’ils font désormais partie d’ACAY, impacter leurs vies car elle est un trésor qui mérite d’être sauvé, les aider à se reconstruire et à se relever. Ecoutant leurs partages, tentant d’analyser la situation et évaluer par où commencer, nous avons fait face à une situation inattendue : si certains enfants avaient besoin de formations psycho-sociales d’ACAY, nous avons réalisé que certains d’entre eux ne savaient ni lire ni écrire !
Ainsi, l’équipe d’ACAY, les sœurs et les volontaires ont retroussé leurs manches et se sont mis au travail : regrouper les jeunes par niveau de besoins, renforcer l’éducation pour certains, les savoir-être, les formations sur la connaissance de soi pour d’autres.
En parallèle, certains d’entre nous ont consacré leur temps afin d’apprendre à ceux qui en avaient besoin l’alphabet et l’écriture. Malgré les difficultés de la pandémie, la formation a été extrêmement enrichissante. La joie est palpable parmi les jeunes :
« Je me sens heureux, avez-vous vu que mes amis commencent à changer ? » Jhun
Au delà des interventions de formation, ACAY a visité toutes les familles car la relation avec les parents est cruciale. Comme nous le présagions, la pauvreté, la précarité et la promiscuité étaient au rendez-vous. Nous avons trouvé des parents épuisés par les réalités de la vie exacerbées par la pandémie. La pauvreté, la difficulté de subvenir aux besoins du quotidien familial offrent un espace d’insécurité pour les enfants et leur volonté accrue de porter par eux-mêmes les problèmes familiaux. Par ce premier contact avec ACAY, nous avons partagé aux parents notre espérance d’un changement possible dans la vie de leurs enfants.
Après plusieurs mois d’accompagnement, le personnel du Barangay a également remarqué le changement de comportements des jeunes. Ils nous ont remercié et partagé fièrement que la récidive avait déjà diminué ces derniers mois. La vie et l’espérance n’ont pas dit leur dernier mot !
Témoignage de Mark:
« Je suis le programme d’ACAY depuis quatre mois. Le Barangay me connait bien car je suis revenu à plusieurs reprises en raison de tous les délits que j’ai commis dans le passé. Après avoir rejoint la formation, j’ai remarqué un changement en moi. J’ai découvert mes limites et j’ai osé les voir en face. J’ai appris à me fixer des limites surtout avec mes meilleurs amis. Je continue de sortir avec eux, mais je rentre à la maison plus tôt pour éviter de les suivre lors de leurs vols. La plus grande leçon que j’ai apprise jusqu’à présent c’est de savoir gérer ma colère. C’est elle qui m’a souvent conduit à la violence. Désormais, lorsque je suis irrité, je commence par prendre du recul pour ne pas blesser les autres. Cette maitrise nouvelle de mes émotions me fait réaliser que j’ai mûri. Je sais que mon futur sera la conséquence de mes actions d’aujourd’hui. »
L’équipe du programme Seconde Chance d’ACAY Philippines